Qui aurait imaginé qu’un arbre venu d’Asie mettrait autant d’ambiance dans les campagnes françaises ? Le paulownia, avec son allure d’ovni végétal, affole les compteurs de croissance et se pose en star des discussions sur la révolution verte. Mythe ou petite merveille sylvestre ? Plongée dans une plantation où le carbone prend une claque et la curiosité un bel élan.
Le paulownia : de l’Asie au Finistère, coup de jeune garanti pour la forêt
En quatre petits mois, ce sont près de quatre mètres d’arbre qui ont jailli du sol à Locmélar, près de Landivisiau, dans le Finistère. Pas de baguette magique, mais la main verte et tenace des frères Stéphane et Jérôme Gueguen, agriculteurs décidés depuis un peu plus d’un an à transformer une parcelle d’un hectare en laboratoire géant du paulownia.
« Ce sont des pionniers », affirme Sandrine Berkel, cofondatrice d’Arbre Paulownia, basée à Plougoulm et spécialiste de la vente de ces plants aussi exotiques qu’ambitieux. Des pionniers, vraiment, car peu nombreux sont ceux à s’être frottés à ce nouveau venu dans la carte du bocage français.
Les promesses du Paulownia : super-arbre ou effet placebo écologique ?
Plébiscité pour ses origines asiatiques, le paulownia n’attire pas que les amateurs de jardinage dépaysant : il fait frémir d’espoir ceux qui rêvent d’un puits à CO₂ qui carbure. Selon Sandrine Berkel, il peut absorber jusqu’à 10 fois plus de CO₂ qu’un arbre classique et pousse à une vitesse effrénée.
Quelques chiffres pour planter le décor :
- Poussée de 12 à 15 mètres en 7 à 10 ans (un rêve pour les impatients !)
- Troncs droits, silhouette homogène, feuillage généreux : Julien Kloesmeyer, cofondateur de l’entreprise, n’hésite pas à parler de matériaux idéaux pour tiny houses, planches de surf ou meubles d’avenir
Le coup de pouce n’est pas seulement écologique, il est aussi économique. La variété plantée, Phoenix One®, n’est pas invasive et supporte des froids jusqu’à -10 °C (autant dire, bien plus résistant que certains vacanciers en Bretagne).
De la semence au tronc : le quotidien, entre arrosages et patience
Plantés en juin 2022, les arbres des Gueguen ont grandi sous surveillance rapprochée. Après une coupe fin mai 2023 pour assurer une croissance bien droite, ils culminent aujourd’hui autour de 4 mètres. Autour des troncs, de larges feuilles ont déployé leur ombre, prêtes à tomber à l’automne pour fertiliser le sol.
Un détail qui a de l’importance : « Pendant les trois premiers mois environ, on mettait deux litres d’eau par arbre tous les deux jours », confessent les deux frères. Certes, le Paulownia pousse vite, mais il réclame (au début surtout) du temps, de la surveillance et un peu de sueur humaine sur le front.
Sandrine Berkel tempère l’engouement avec humour : « C’est un arbre magique, mais le cultiver demande quelques efforts ! » Rien n’est jamais totalement gagné d’avance, non ?
Un investissement qui questionne : révolution profitable ou simple vogue ?
Côté portefeuille, le tableau ne manque pas d’attrait. L’investissement initial sur l’hectare des Gueguen n’a pas dépassé les 5 000 €. Et d’après Julien Kloesmeyer, la première coupe pourrait rapporter entre 60 000 et 80 000 € par hectare. Pas mal pour un pari sur le long terme, d’autant que la société propose des contrats de rachat à prix bloqué, ou laisse la liberté aux cultivateurs de négocier eux-mêmes leur bois sur un marché… en devenir.
La curiosité n’a d’ailleurs pas tardé à se transformer en affluence. Le 14 septembre 2023, une visite a rameuté professionnels et amateurs de toute la France, tous désireux de se faire leur propre idée ou de diversifier leurs terres.
Berkel et Kloesmeyer l’assurent :
- Chaque semaine, des particuliers ou agriculteurs prennent contact pour acheter du bois de paulownia
- Un marché est à structurer, avec, pourquoi pas, l’espoir de voir ce super-arbre s’épanouir sur de nouveaux territoires
Faut-il céder à la tentation Paulownia ? Si l’arbre a clairement des arguments, il demande du temps, de l’attention et une pincée d’audace. Que vous rêviez de CO₂ avalé à la grande cuillère ou de tiny houses éco-friendly, ce « magicien asiatique » n’a pas fini d’attiser la curiosité en France. Reste à voir s’il s’installera durablement… ou si la mode passera !
